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Aïcha Arnaout | La traversée du Blanc  Image, G.AdC
LA TRAVERSÉE DU BLANC (extrait)
« Tes plantes de pied brûlées entre deux infinis et tu n’es qu’à mi-chemin vers ce blanc vertige les dunes migratrices attisent les distances froissent les temps ne restera de toi qu’une ombre sans pas dans l’assonance des abîmes qu’un regard compacté dans la chair des mots. »
Aïcha Arnaout, « La traversée du Blanc » in Revue poétique Confluences poétiques n° 1, « La poésie en France », Mercure de France, mars 2006, page 25.
DANS LES EAUX DU GLACIER ORIGINEL
« Dans les eaux du glacier originel j'étais limpide jusqu'à ce que la lune m'ordonne de paraître et que la tempête vienne s'allonger sur mon corps Impétueux comme l'ivresse des première fontes mon cri n'est pas parvenu aux scarabées volants Je l'ai étouffé dans le sable On entendait autre chose que l'écho et le râle des oiseaux On voyait autre chose que les eaux éplorées et la tornade de l'horizon. »
Aïcha Arnaout, Fragments d'eau et autres poèmes, Al Manar, Collection Méditerranées, 2003, page 21. Traduction d'Abdellatif Laâbi. Ph. angèlepaoli ÊTRE ET DÉSÊTRE
D'après l'ombre et tes multiples mues tu es destiné à l'émersion et l'extinction pour toujours parmi de fins miroirs tes images laminaires se déboîtent se pourchassent se dévorent mystérieux itinéraire à perte de souffle être et désêtre à tout instant sans relâche. Elle dépistait ses images possibles dans les vertiges de l'univers sur les lèvres des plaies galactiques parmi leurres et lueurs l'incertitude nourricière ne faisait que commencer elle frôlait sa mutation spirale dans la lave matrice hantait les nulles parts pour regagner son espace immolait l'errance de ses ombres sur l'autel de l'isthme primordial et ne trouvait que poussière et cendres la voilà de retour au siège de l'éphémère vibrante de son immense vertige elle s'installe rejeton dans son exil d'être. Du désordre flottant au chaos originel de la confusion des sens à l'intuition primale de l'imperméabilité des ombres à l'état translucide devenir savoir comment vraiment mourir comment se loger tous les jours en paix dans son cercueil détaché des chaînes luxuriantes déplumé des accessoires chimériques déraciné de son propre nom se loger entier là où cessent le bruissement du cœur le bourdonnement des pensées devenir affleurer à tout instant son vif néant affranchir de leurs exils ses fantômes et ses ombres se faufiler flou d'images sans confins liquidité des formes de l'avant gestation devenir constamment s'enfanter plus familier à soi-même. Les mues de l'ombre que je suis ne sont que les traces de mes exils d'être. Tu défibres ton corps hétéroclite jusqu'aux confins de sèves jusqu'à la grappe aînée de tes cellules d'embryon une vie durant tu n'as été qu'un accident de parcours parmi des momies frénétiques des cadavres ambulants des dieux criquets escortés de bouffons étrangère pour toujours personne n'a parlé de ta moelle fossile des triticites de tes champs intérieurs la déchirure était ton remède le néant ton retour le périple du sevrage était lent hésitante tu palpes ta gestation insolite dans le vif argent des miroirs trompeurs tu grignotes ta solitude mielleuse l'attente blanche au bord de l'iris d'origine l'enstase des doigts dans le plasma des mots la félicité de l'errance la déflexion d'une imperméable lueur qui te propulse vers l'ambre primordial. Être et désêtre et nul paradoxe des cendres de chacun renaît l'autre les passions conduisent à la vacuité la vacuité accueille l'émerveillement l'émerveillement seuil de l'extinction de l'extinction émane la grande passion et nulle frontière être et désêtre osmose fertile sans stigmates ni cicatrices.
Aïcha Arnaout, Être et désêtre, Extraits, in Côté femmes, d'un poème l'autre, Espace-Libre, Alger-Paris, 2010, pp. 13-14-15-16. Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani.
NOTE D'AP : ce poème a été dit par Aïcha Arnaout le samedi 19 juin 2010 à la librairie La Terrasse de Gutenberg (75012 Paris), à l'occasion de la publication de l'anthologie Côté femmes, d'un poème l'autre, à laquelle j'ai moi-même participé.  Photocollage, G.AdC
ELLE COURAIT
Elle courait, et le froid qui montait de la terre enneigée la déchirait de ses épines ; elle n’atteindrait peut-être pas la fontaine au pied de la hêtraie ; elle tomberait glacée, sa nudité décharnée restant là, sur le chemin, dans l’attente des corbeaux ; sa servante avait fui, et quand bien même un paysan se serait aventuré à cette heure en pareil endroit, il ne lui aurait été d’aucune aide ; trop de bruits avaient couru sur le château et sa maîtresse vieillie dans la folie ; trop de haine, puis trop d’oubli s’était appesanti sur elle qui était restée, dans l’espoir que pas un de ceux qui lui avaient donné la seigneurie de l’Escalette ne revint de sa croisade. Une vieille constellation embaumée des relents d’une lente mort frémissante de tant de souvenirs qui se déchirent et délirent Vivre l’ardeur de la chair jusqu’au bout de la veine jusqu’à l’abîme dans l’alchimie nécromancienne du ravage charnel parmi les fleurs séminales des monstres aux visages décousus qui partagent ta couche Vivre les fibres de l’âme jusqu’au bûcher du ciel l’autopsie des marées mortes conduites par les anges la divergence saisonnière de l’espérance et du doute et finir en hibernation dans la peau craquante de la démence
Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine [troisième titre du Triptyque de Lodève], Al Manar, 2009, pp. 16-19. Dessins de Diane de Bournazel.
Peinture de Diane de Bournazel in Aïcha Arnaout, Alain Gorius, La Fontaine Al Manar, 2009, page 17. |
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